Les portes de la perception – When You’re Strange

Publié le : 21 février 20173 mins de lecture

Je n’avais jamais connu une telle ambiance. C’était devenu complètement fou, à tel point que je ne savais plus vraiment si c’est bien à un concert que j’assistais alors. Ce n’était pourtant pas mon premier, loin de là, mais ce soir de décembre 1968 à Los Angeles restera mon plus grand souvenir musical.

La musique était folle. Ces mélodies qui m’avaient tant plu dans leurs albums prenaient encore une autre dimension sur scène. Entre le rêve et l’éveil. Certains ont parlé de chamanisme, ce doit être ça. Il y avait en tout cas quelque chose de religieux dans cet enchevêtrement unique et planant de sonorités, ponctués tantôt par sa voix profonde, tantôt par ses cris animaux.

Oui, la musique était folle parce que Morrison l’était tout autant. A moins que ce ne soit le contraire. Je ne sais plus si c’est l’homme qui imprimait ce rythme psychédélique à la musique ou bien si c’est elle qui l’entraînait dans ses performances délirantes. Sa présence sur scène était incomparable, il jouait avec le public comme personne ne savait le faire, plaisantait, criait, se déhanchait, et tombait… Je me rappelle l’avoir vu rester au sol un très long moment, comme inconscient… Peut-être l’était-il d’ailleurs. Et autour de lui, autour de nous, cette musique envoutante que ces copains ne cessaient de produire en devenait presque inquiétante. Alors, le rythme s’accéléra et les sons se firent plus puissants jusqu’à ce que Morrison, ressuscité, se relève et reprenne son chant.

Et nous, oh oui, nous étions aussi totalement fous. Nous n’étions plus des spectateurs, nous étions acteurs de cette représentation. Nous criions comme des sauvages, excités par cette ambiance surnaturelle, attisés par les invectives de Morrison. Des objets volaient au-dessus de nous, des bousculades continues obligeaient les agents de sécurité à des interventions en catastrophe. Nous savions tous de quoi étaient capable ce groupe et son chanteur sur scène, alors nous les provoquions comme ils nous provoquaient. Nous en voulions plus.

Et puis, il sembla que Morrison voulut changer le cours du concert quand il nous envoya : “Vous voulez plus que de la musique, hein ? Eh bien, allez vous faire voir : nous, nous ne sommes là que pour jouer de la musique.”
S’en suivit un long morceau, près de quarante-cinq minutes de voyage dans cet univers qui n’a de limites que celles de l’imagination. Un voyage éprouvant et une impression de traverser une dure épreuve, une sorte de rite initiatique dont nous ressortirions épuisé.
La fin de ce morceau fut également la fin du concert et sonna la délivrance. Nous n’avions même pas la force d’applaudir. Nous étions hagards. Jim Morrison et les Doors nous avaient matés.

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