Café de la garde

Publié le : 21 février 20174 mins de lecture

Cette semaine, dans le cadre de “1 sujet de 4 mots * 4 auteurs = 4 billets”…

– Je peux vous aider ?

Quatre mots qui le sortirent de son état second. Se sécher les yeux, d’un revers de la manche, vite.

– C’est un peu tard pour cacher quoi que ce soit vous savez, ça fait bien cinq minutes que je suis assise là.

Assise là… Le décor se recomposait autour de lui alors qu’il se souvenait que ses pas l’avaient guidé un peu plus tôt jusqu’à la terrasse de ce café.

– Désolée, ne vous sentez pas obligé de répondre, c’est juste que je vous…

– J’ai perdu la garde de mes enfants.

Il avait douté un instant que ces paroles étaient sorties de sa propre bouche. D’ordinaire si secret, à garder ses soucis pour lui… Était-ce cette voix douce et jeune qui l’avait mis en confiance ? Il la voyait vraiment à présent : ses grands yeux ronds emplis de compassion l’invitaient à poursuivre.

– Je… Je sors du tribunal. Le juge vient de me refuser la garde de mes enfants. J’ai l’impression d’avoir tout perdu.

– Vous pourrez quand même les voir de temps en temps, je suppose ?

– Un week-end sur deux. Vous vous rendez-compte ? Ça fait quoi ? Quatre jours par mois ? C’est trop peu… Je sais bien que c’est de ma faute si notre mariage n’a pas tenu le coup mais… vivre sans mes enfants, c’est impossible. Je n’y arriverai pas. Et je ne peux pas croire que ce soit bon pour eux non plus. On s’entend très bien tous les trois, c’est vrai, ils ne vont pas comprendre.

– Ils ont quel âge vos enfants ?

– 6 et 9 ans. J’ai l’impression que je ne vais pas les voir grandir, ça va tellement vite, je vais tout rater…

– J’avais 9 ans moi aussi quand mes parents ont divorcé et mon petit frère en avait 5. On est restés vivre avec maman et on allait chez notre père et son amie tous les quinze jours. Si ça peut vous rassurer, on ne s’est pas éloigné de lui parce qu’on le voyait moins souvent. On était même heureux de le retrouver à chaque fois. D’accord on avait moins de temps ensemble mais on en profitait d’autant plus.

– Et ça a duré comme ça… tout le temps ?

– Oui, pendant quasiment dix ans, jusqu’à ce que je parte un peu plus loin pour mes études que j’ai terminées il y a trois ans. Mon frère aussi a continué sur ce rythme jusqu’à sa majorité. Et aujourd’hui, je rends autant visite à mon père qu’à ma mère. Le divorce a bouleversé la vie de famille et réorganisé nos relations, mais il ne nous a pas séparé de nos parents malgré la distance qui s’était installée entre eux.

En l’écoutant, il s’imaginait discuter avec sa fille quinze ans plus tard. Pourra-t-il seulement faire en sorte qu’elle puisse alors tenir le même discours ? Il ne connaissait pas la réponse mais c’est une possibilité qu’il pouvait désormais entrevoir. Ce qui ne faisait en revanche aucun doute, c’est qu’il avait encore mal, mais un peu moins.

Alors on danse.
Sur l’écran et la table de nuit cette semaine (1)

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