Esclave

Chère maman,

Si j’avais su écrire, voilà la lettre que j’aurais voulu te faire parvenir. Je la répète sans cesse dans ma tête.

Avant tout, maman, je suis vivante et ce n’est pas le cas de tout le monde. Ils disent que je suis jolie et peux rapporter de l’argent. C’est pour cela qu’ils me nourrissent un peu.  Ils ne donnent pas à manger à  tout le monde tu sais. Les garçons mangent pour devenir forts et travailler pour eux jour et nuit. Nous, les filles, ils nous abandonnent souvent, quand ne gagne pas assez, que l’on n’est pas assez belle, que l’on tombe malade et évidemment si on refuse quand ils nous envoient chez les hommes…J’ai mal, souvent, et j’en pleure à chaque fois mais je me force à y aller à sans relâche. Je ne veux tout simplement pas mourir. Je garde espoir comme je l’ai toujours fait. Je sais qu’un jour je pourrai peut-être m’enfuir, que l’on viendra me chercher et que tout ça s’arrêtera. Je te retrouverai. Cela fait maintenant 6 ans tu sais que je suis ici. Pas un seul jour n’est passé sans que je ne pense à toi et pourtant je commence à oublier certains traits de ton visage. C’est celle-là ma plus grande crainte : oublier tout ce qui a existé avant mon enlèvement.

Des journalistes sont venus il n’y a pas très longtemps et nous avons pu leur parler en cachette. Nous leur avons raconté tout ce qu’il se passait, ce que l’on faisait mais aussi que grâce à ça on survivait. Je suis maintenant la plus âgée parmi nous. C’est donc moi qui ai le plus parlé. Ils m’ont dit qu’ils avaient rarement vu des filles de 13 ans aussi courageuses que moi et ça m’a réchauffé le cœur. Ici, personne ne me fait de compliments.

On m’appelle, il a l’air furieux. C’est sans doute qu’il a encore perdu de l’argent au jeu. Quand c’est comme ça il s’énerve pour un rien et frappe tout le monde. Je ferais mieux de répondre vite. A très vite maman.

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Alors on danse.

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