Admettons : Brian a 19 ans, un Bac -2 en poche, un physique avantageux et une envie tenace de devenir une star. Aucune filière universitaire ne le mènera vers cette gloire à laquelle il aspire. Sans talent particulier, il peut cependant utiliser cet incroyable accélérateur de notoriété offert par le petit écran : la télé-réalité. Il a regardé plein d’émissions de ce genre (son Français s’en ressent d’ailleurs), suivi les trajectoires des anciens candidats et s’imagine plus malin que les autres (brillant défaut de tous). Il sait donc comment “utiliser le système” sans se faire piéger et met sur pied une stratégie pour se démarquer des autres et “créer le buzz”. Il a tout bien préparé, tout prévu, rien ne peut le surprendre. Il entre donc dans une télé-réalité de type classique, celle où il suffit de rester trois mois enfermé dans une “villa” de la Plaine Saint-Denis, ce triste endroit où la lumière des projecteurs côtoie l’ombre la plus glaciale. Il parvient en finale et se croit donc aimé du public, illusion fortement euphorisante. Ses fans (mineurs) sur le plateau hurlent, il enchaîne les interviews avec des journalistes très curieux, dort ensuite dans un hôtel de luxe et a l’impression (logique) d’être traité comme une star. Ah quel naïf, ce Brian. Le garçon s’était préparé : il savait qu’après l’émission, l’intérêt du public et des magazines déclinerait progressivement. Il faudrait alors trouver des moyens pour rester au centre de l’attention. Il se laisse donc aller à quelques petits arrangements avec la presse people : ventes de photos de vacances avec sa petite copine, fausses révélations sur sa vie amoureuse… et si ça ne suffit plus, il ira plus loin. Fausse tentative de suicide, sextape… Peu importe. Il ne le réalise pas, mais il a complètement perdu le contrôle (de sa vie publique… et donc privée, vu qu’elles ne forment plus qu’une entité). Il pensait “utiliser le système”, mais comme les autres, le système l’a utilisé, puis jeté. Andy Warhol évoquait avec justesse le « quart d’heure de gloire » promis à chacun, mais oubliait de parler des heures de solitude. Alors oui, souvent les candidats sont suivis psychologiquement pendant et après une télé-réalité. Mais ça ne dure jamais, la prod’ ne va pas payer une analyse de dix ans à quelqu’un dont elle n’a plus le besoin. Et Brian, même s’il ne le reconnaît pas forcément en interview (il ne veut pas perdre la face en public), il souffre d’un tas de choses. Tout d’abord, des commentaires plus ou moins acerbes de la presse et des internautes à son sujet. La majorité se forge une carapace à ce sujet, mais certains en souffrent encore des années après. Mais ce dont il souffre le plus, c’est de ce satané ascenseur émotionnel. Opter pour le fastfood de la célébrité, c’est accepter de retomber dans l’anonymat aussi vite qu’on en était sorti. Comme beaucoup de ses “confrères”, Brian a accepté de participer à une télé-réalité, alors qu’il n’était pas totalement équilibré au départ. Normal, la télé-réalité ne recherche pas de gens lisses, normaux, équilibrés (quel intérêt pour le téléspectateur ?). Brian avait besoin d’amour, de reconnaissance, d’attention… Il a tout eu, comme sûrement jamais dans sa vie, mais à quel prix… Trop superficiel pour faire du bien sur le long terme. Et ça, Brian le réalise ensuite, en souffre… Et quand la production, les journalistes, les fans… tout ce petit monde vous a totalement oublié, il vaut mieux avoir un bon entourage pour supporter cette solitude. Brian comme tant d’autres va s’accrocher à la moindre parcelle de gloire : nouvelle participation à une télé-réalité, invitations sur un plateau télé… N’importe quoi, pour rester dans la lumière. Mais l’ombre est devenu son vrai quotidien. Et si Brian est seul, il va lui falloir beaucoup de force pour s’en relever. Heureusement, 95% des candidats vivent très bien l’après télé-réalité. Ils ont pris cette parenthèse cathodique pour ce qu’elle doit être, c’est-à-dire un simple divertissement. Ils se sont bien amusés, ont vécu une expérience peu ordinaire… et ont ramassé un peu, voire pas mal, d’argent. Mais les autres 5%… ils peuvent malheureusement tomber très très bas. Il suffit de regarder la trajectoire de la première vraie star de la télé-réalité, d’une séance de galipettes dans une piscine à un passage en hôpital psychiatrique. Un jour, un candidat de télé-réalité se suicidera à cause de son passage cathodique et de ses conséquences. Et on se sentira alors tous un peu responsable. On culpabilisera, mais deux jours plus tard, on aura tous oublié. NB : L’émission de M6 Trompe-moi si tu peux a été déprogrammé à la dernière minute l’été dernier à cause du suicide de l’un des candidats. Mais cet acte ne semble pas directement lié au programme.