J’ai l’honneur de ne pas te demander…

Publié le : 30 mars 20235 mins de lecture

Est-ce que tu veux être ma femme ?

Il a donc posé la question.

Elle est fatiguée. De devoir répondre, expliquer, argumenter, encore. Elle pensait avoir bien géré au fil du temps, distillant régulièrement le discours anti-mariage (comprendre anti-robe meringue, anti-se pourrir 6 mois de sa vie à préparer une seule putain de journée, anti-perdre son nom -et son identité- aux yeux de l’administration et de la société, anti-rassembler des gens qui n’ont rien à se dire et dont Elle se fout comme de l’an 40, anti-mièvrerie, anti-gaspillage, anti-reniement, anti-tout). Elle, le soldat, toujours fière au combat. Oui, Elle pensait que pendant ces années de vie commune, Elle avait réussi à être claire, et comprise. Voir même Elle pensait que cette aversion, mélange de rejet de principe, de critique sociétale, de féminisme, d’indifférence et de moquerie, était partagé. Une conception commune, une même vision du couple et de la vie. Raté, semble-t-il.

Elle est énervée aussi. Contre lui. Mais qu’est ce qui Lui a pris ? C’est quoi ce besoin ? D’où sort-il ? La crise de la quarantaine ? Ils étaient pourtant d’accord pour dire que ça ne servait à rien. Et cette question, teintée de virilité primale, ce « MA »qui lui a rappelé tout ce pour quoi elle détestait l’institution. Ce possessif qui l’agresse. « Je ne suis pas à toi ! » voulait-Elle crier. Je suis là parce que je le veux. Et tu ne m’appartiens pas non plus, jamais. Nous sommes ensemble, unis, parce que nous l’avons décidé, parce que nous le décidons. Un engagement, ça doit donc… se prouver? Que faut-il : une cérémonie, un papier, un banquet, une bague, un registre, des gens, un maire, des photos? Elle avait toujours pensé que leur mélange de gènes (dit aussi moulage de gnomes) n’était pas si mal, comme acte de foi. Franchement, les chaînes humaines on n’a pas trouvé mieux comme liens.

Elle est triste surtout. Parce que Lui, il n’avait pas dit ça au débotté, entre la poire et le fromage, pas de « bon, c’est galère s’il arrive un truc à un de nous deux, on se marie ? » soit une demande anodine sous des raisons de fiscalité-protection des enfants-succession, le beau triplé administratif qui pouvait peut être un jour faire plier son esprit rebelle. Oh non, c’eut été trop simple ! Il lui avait demandé après réflexion, Il avait hésité, Il avait mis du poids, du sentiment, de l’affect. Il avait même parlé (le con)… d’Amour. Sa réponse à Elle, désabusée, surprise, fâchée, lasse, contrariée, allait le décevoir et Lui faire du mal. Elle sentait la tension, la frustration, le regret, la douleur. Elle aurait voulu briser l’équation (je t’aime = je veux me marier >> tu ne veux pas te marier = tu ne m’aimes pas) qui tournait en boucle dans sa tête de mâle, comme une envie de sexe.

Elle est là, seule avec ses convictions, rivée, entre la colère et la tendresse, blessant celui qui lui fait face et nourrissait le doux espoir d’un « oui », ou d’un désir de oui, et accusait le choc de la réaction, de sa non-réaction, si attendue. Foutue prévisibilité qui ne rend pas la nouvelle plus gaie ou son messager moins dur.

Elle pense à Georges. Elle avait toujours rêvé de Georges et de sa non-demande en mariage.

Ah, ce qu’Elle aimerait aimer les femmes! Ne pas avoir le droit de se marier. Et du coup se battre pour.
Elle se dit qu’encore une fois Il avait tout compris de travers, on avait dit « Journée de La femme » au 20h, pas Journée de Ta femme!

Pourquoi écrire une biographie personnelle ?
La Soka Gakkai internationale

Plan du site