On le voyait déjà affaibli il y a encore quelques semaines, touché par ce mal étrange qui affecte tout président dans l’exercice de son mandat : l’inéluctable usure du pouvoir.
Alors oui, l’état de grâce appartenait déjà au passé. Elle ne dure qu’un moment par définition, le temps de se rendre compte qu’elle n’est qu’un fantasme démasqué par la banalité du quotidien.
La perspective de ce quotidien n’avait pourtant plus rien d’effrayant au début tant les conditions exceptionnelles de son élection avaient effacé toute velléité pessimiste.
Sa couleur en avait fait un symbole, son parcours ascendant laissait augurer une courbe similaire pour les Etats-Unis et les difficultés dans lequel le pays était plongé (marasme économique et financier, guerres en Irak et en Afghanistan) concentraient paradoxalement en lui les meilleurs espoirs.
On lui a même décerne un Prix Nobel de la Paix, pour ses bonnes actions à venir…
Les mois avaient passé, la confiance s’était tassée, l’optimisme ravisé. On commençait à se dire que finalement, il était peut-être un président comme les autres.
Et puis, il y avait eu cette réforme, celle qui permettait à 32 millions d’Américains de se doter d’une couverture de santé.
Réforme phare de sa mandature, d’abord emprunte de sérénité avant de ne rencontrer que l’approbation de 4 Américains sur 10, le Président avait semblé perdre un temps de sa superbe. Puis il s’était remobilisé, avait pris ses compatriotes à partie comme en tant de campagne et actionné les ficelles du lobbying sans en laisser une seule de côté.
219 voix contre 212. La reforme était passée. Toujours en manque de popularité, mais la postérité se chargerait sans doute de lui reconnaître un statut davantage à sa hauteur.
Certains parleront de réforme dénaturée, de jeux technico-politiques, voire de populisme. Il n’y avait qu’un résultat, son adoption, là où d’autres avaient dû lâcher prise.
Un messie est incapable de concessions, Obama en a fait.
Ce président ne peut pas tout mais ses épaules, son charisme et sa détermination sont capables de beaucoup, et ce n’est pas de moins qu’il faudra se contenter.