A m’en foutre les doigts au fond des yeux pour arrêter ce flot de larmes.
Les affres de ma nonchalance ne sont plus confortables et le lit où je me réfugie se hérisse de piques empoisonnées. Les coups de jus dans mon crâne viennent peu à peu effacer la musique qui tonne dans ma tête. Sonate n°2 en Si bemol… Op 35, dégage ! Je n’entends plus que mon cœur qui explose, que mes tempes qui me dévorent. Mes doigts ne sentent plus mon corps quand ils essaient de s’y raccrocher. Ils sont moites, insensibles à ce qu’ils touchent, hermétiques aux caresses, protégés du monde par ce voile poisseux.
Va crever, Chopin !
37.5 minutes pour m’en sortir. 3000 lances qui traverseront mon cerveau meurtri et m’extrairont, prématuré, d’une torpeur qui pourtant m’est si chère, dans laquelle je me love avec une délicate tendresse. Je titube, je vois flou, un filtre opaque me masque un monde dans lequel j’hésite à vouloir revenir. Rester in-utero, protégé, encore un peu… Mes pieds sont glacés et je les frotte encore avec le peu d’énergie que je peux convoquer, moi qui ne quitte plus vraiment cette position fœtale.Toccata and Fugue en D mineur. Je sombre à nouveau. Ma bouche aride cherche à me dire quelque chose mais mes lèvres sont scellées. Je suis fossilisé, mon corps est dur, figé dans mon désespoir. Je ne pourrai me déployer pour saisir une main tendue. Mes muscles crispés ne me répondent plus, ça doit être ça mourir et c’est plutôt agréable.
Va crever Bach !
Se ressaisir, remonter la pente. Mes articulations crient quand je tente de m’étirer, je voudrais hurler mais je reste muet. Ma langue se délie. Piano Concerto n°1 OP.23. Je mets un pied à terre, je m’élance. Je déglutis, difficilement mais mes fluides circulent à nouveau en moi, ça doit être ça la vie, ça fait mal. Mon genou flanche mais je tiens bon. Je desserre mes dents et mes paupières. Je pousse un cri.
Sauve-moi Tchaïkovski !