Thaïlande, quand l’armée riposte : les affrontements contre les chemises rouges

Kasemchaï était assis sur le parapet, les pieds suspendus dans le vide. Casquette sur la tête, drapeau dans la main, il plissait les yeux pour deviner l’horizon alors que les rayons vifs du soleil et une âcre poussière brouillaient sa vue. Il attendait patiemment depuis maintenant plus d’une semaine. Il repensait à la façon dont sa respiration s’était faite si rapide qu’elle avait presque cessé d’un coup ce jour là. Sa nervosité lui semblait rétrospectivement démesurée. Après tout, tout s’était passé dans le calme. Il n’aurait pas dû s’inquiéter repensait-il quand la foule rouge autour de lui recommença à s’agiter.

Le bruit des bottes sur la route ou celui des cliquetis de l’artillerie, il ne savait plus lequel l’avait fait sauter à terre. Peut-être celui des femmes qui s’étaient mises à crier. La vague des forces de l’ordre était en marche sur Khao San Road et on sentait dans l’air que cette fois, l’issue ne serait pas pacifique.

Kasemchaï désemparé regardait autour de lui. Personne ne savait plus que lui comment agir. Pas une personne sur lequel poser son regard hagard et prendre exemple. Les journalistes de l’AFP étaient également pris au dépourvu. Ce sont les premiers coups de feu tirés en l’air qui ont vraiment sonné le début de l’affrontement. Des chemises rouges ont reculé de quelques pas, ne croyant pas que cela tournerait au drame. D’autres se sont élancés contre l’armée. Une dizaine est tombée presque instantanément.

Kasemchaï ne voyait toujours pas très bien. Le soleil, la poussière… peu importait à présent; des torrents de larmes s’échappaient de ses yeux et ruisselaient le long de son visage déformé, paralysé par la peur. Une expression d’horreur et d’effroi qui lui maintenait la bouche ouverte, la gorge sèche et la bave dégoulinant sur son menton. Ses amis gisaient au sol en sang et la vague kaki s’approchait de plus en plus des rangs rouges clairsemés.

Une détonation, puis une explosion. L’inverse peut-être, il ne savait plus. Puis il tomba sur le sol, écrasé par un poids tombé du ciel. Un homme, un japonais qui venait de s’écrouler sur lui, caméra au poing, abattu depuis le point de vue d’où il avait décidé de filmer la scène. Il se dégagea maladroitement, roulant au sol sous la masse inerte. Le sang de la victime répandu sur le visage et les vêtements de Kasemchaï finissaient de le rendre méconnaissable. C’est en tremblant qu’il l’a retourné. L’homme était bien mort. Sur son badge, déformé et brûlé par la balle qui venait de lui traverser la poitrine, on pouvait lire “REUTERS”. Le journaliste avait succombé sur le coup, à deux pas de lui.

Kasemchaï resta à terre, immobile, assis en tailleurs, attendant que cela s’achève. Ses larmes nettoyaient le sang sur ses joues. Il ne pensait plus au conflit, à ses rêves de liberté et de démission du Premier Ministre Abhisit Vejjajiva. Une seule idée occupait son esprit : pourquoi ses parents lui avaient-ils donné ce nom, synonyme de “victoire”.

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